Parc Historique
14. Nathalie Nery
“Est-ce que si un arbre peignait...”
Publié le 12/02/2018
"... Le projet “Est-ce que si un arbre peignait...” se conduit comme un personnage qui compose, avec le château et ses alentours, une sorte de représentation de ce mythe subjectif (...)."
“Mon inspiration première, c’est l’inconscient. Pour devenir humain, il faut à l’être parcourir un chemin tortueux (et permanent), dans un jeu labyrinthique, mystérieux et miroitant, où décor et personnages se fondent réciproquement. Forêt et château, des créatures inhumaines, des pétrifications et de la magie. L’être est un espace. Mise en scène de funambule sur la corde, matérialisant le dedans et le dehors, le naturel et la fiction. L’égarement des transformations, voilà le mythe à tisser et, surtout, à déchirer par chacun de nous.
Le projet “Est-ce que si un arbre peignait...” se conduit comme un personnage qui compose, avec le château et ses alentours, une sorte de représentation de ce mythe subjectif. Une représentation qui donne corps à son propre processus de construction. Celui-ci commence avant l’ouverture de l’exposition et finit lorsque la nature le détermine. Le parcours tracé, dès l’acte de marcher, de recueillir les feuilles et de les rendre de nouveau à l’arbre, constitue dans son ensemble une sorte de matérialisation du temps et de temporalisation de l’espace, d’une immense puissance symbolique.
Le déplacement spatio-temporel des feuilles inquiète momentanément notre perception de la réalité. Selon Freud, l’étrange est normalement quelque chose de familier mais qui se trouve refoulé, inconscient. “Est-ce que si un arbre peignait...” est un être qui se présente à nous de façon séductrice et interrogative, composé par ses rejets, et qui nous regarde en silence en nous disant quelque chose concernant la vie et la mort et la façon dont l’art est capable de s’y esquiver à cette dernière.
Le projet exhibe aussi une opération mimétique. Le mimétisme non pas comme stratégie de survie physique mais imaginaire. Il y a un renversement de l’essence symbolique des êtres/objets. Des feuilles mimant l’arbre, qui, à son tour, mime un autre être. Partie et tout convergent en bouleversant leurs rôles dans une opération de pure luxure. C’est une question de séduction par l’image, de dilution d’être et d’espace. Un personnage qui est pur devenir.”
Selon les mots de Lacan : “Le mimétisme est sans doute l’équivalent de la fonction qui, chez l’homme, s’exerce par la peinture […] Est-ce que si un oiseau peignait, ce ne serait pas en laissant choir ses plumes ; un serpent ses écailles ; un arbre à s’écheniller et à faire pleuvoir ses feuilles ? […] Dans l’acte même de s’extérioriser, le sujet perd quelque chose, de son corps choient des objets, des rejets qui sont une sorte de matérialisation de son propre décentrement.”
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Nathalie NERY
BRÉSIL
Nathalie Nery au Domaine de Chaumont-sur-Loire, 2018 - © Éric Sander
Née en 1965 à Rio de Janeiro, au Brésil, où elle vit et travaille jusqu’à présent, Nathalie Nery a une formation professionnelle hybride.
Diplômée en psychologie pour l’Université Pontificale Catholique de Rio de Janeiro en 1988, elle a toujours mis l’accent sur le travail clinique avec des patients psychotiques ou avec des troubles mentaux sévères, à l’intérieur et à l’extérieur des hôpitaux psychiatriques.
Elle a passé l’année 1990 en France, comme stagiaire dans des hôpitaux psychiatriques, dont La Borde et La Chesnaie, tous les deux dans le Val de Loire, ayant la chance d’assister à des conférences de Jean Oury et de superviser avec Felix Guattari.
En 1993, elle a obtenu un diplôme du Troisième Cycle dans la clinique de psychanalyse à la même Université où elle a obtenu son diplôme à Rio de Janeiro.
Entre 1995 et 2000, elle a fréquenté l’École des Arts Visuels de Parque Lage et a comme conseillers des noms importants de l’art brésilien tels que Ana Maria Maiolino et Nelson Leirner. Le design et la peinture ont progressivement cédé la place à la sculpture et à l’installation.
De 1998 à 2001, elle a participé à plusieurs expositions, a reçu des prix et était représentée par une importante galerie à São Paulo, la Galerie Nara Roesler.
De 2002 à 2015, elle s’est éloignée professionnellement de l’art.
En 2016, elle relance sa carrière en reprenant des concepts issus de la psychanalyse et de la philosophie.