21. Au paradis du jardinier
Publié le 13/02/2019
Au paradis, tout serait facile, abondant, exubérant et sans le moindre effort. L’exact inverse du jardin en vérité, quand l’on sait ce que la fertilité et la profusion des plantes doivent aux gestes discrets mais répétés d’un jardinier. Vouloir un jardin de paradis, quelle joyeuse contradiction ! Pourtant, quel jardinier n’a pas déjà rêvé de voir le travail se faire sans lui ? Ici se joue l’effacement du geste jardinier. C’est la brouette qui porte seule les plantes, les fait croître, fleurir, génère la profusion. Outil élémentaire, à la fois amie du jardinier et bourreau de ses bras, elle est répliquée et assemblée en un vaste damier qui ordonne les massifs et réduit la distance au sol, au risque de s’en détacher...
Au paradis du jardinier, foin des transplantations et des transports harassants de plantes. Le jardin se fait pépinière. Il lui emprunte ses codes, sa systématique, sa poésie en trames arborées. À moins que ce ne soit la pépinière, fournie en tuteurs de bambou et rampes d’arrosage qui, recevant une pergola, ne devienne jardin… Observer, contempler, n’est-ce pas déjà jardiner ? Les outils posés, les mains dégagées, pour un moment de paradis au jardin, en un lieu où le jardinier devient spectateur du paradis qu’il s’invente…
CONCEPTEURS
Dominique HENRY, paysagiste concepteur et géographe, et Karine STOKLOSA, paysagiste conceptrice et gestionnaire de parcs et jardins publics
FRANCE
Dominique Henry est paysagiste concepteur et géographe dans Le champ d’à côté, enseignant-chercheur à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage de Lille et membre du comité de rédaction de la revue scientifique en ligne Projets de paysage. Les plantes et les jardins constituent une passion qu’il cultive en pratiques d’observations, de dessins, d’expérimentations et de créations quand il ne contribue pas à les transmettre. La lisière des paysages suscite particulièrement son intérêt, en ces limites indécises entre jardin et territoire, entre gestes jardiniers et pratiques agricoles, entre sensibilité et savoir-faire… au fondement de la qualité paysagère.
Karine Stoklosa est paysagiste conceptrice et gestionnaire de parcs et jardins publics. Urbaniste dans une première vie professionnelle, elle s’évertue aujourd’hui à traduire les projets d’aménagement en réalités jardinées, à concevoir des espaces de végétalisation urbaine heureuse pour les citadins et à exprimer une poésie paysagère au cœur des institutions publiques et en complicité avec les jardiniers. Elle dirige actuellement le Service des Espaces Verts d’une grande ville de région parisienne.