Office, Château
A. Isa Barbier
“Faisceau”
Publié le 16/01/2020
Le travail d’Isa Barbier s’élabore avant tout à partir de la rencontre, de la compréhension et de l’interprétation d’un lieu. Souvent spécifique, chapelle, château, couvent, bord de mer... (mais aussi musée ou galerie plus traditionnels)
celui-ci détermine à travers sa singularité le mode d’apparition de l’intervention artistique.
celui-ci détermine à travers sa singularité le mode d’apparition de l’intervention artistique.
Isa Barbier travaille donc la plupart du temps in situ, déployant des installations aux matériaux légers et animés (plumes, pétales, miroirs...) organisés en formes géométriques, architecturales ou dynamiques. Ses œuvres semblent flotter dans l’espace.
À ces éléments en suspension, il faudrait ajouter la lumière, le souffle, l’air comme autant de composants instables participant à la perception de l’œuvre, à sa condition fluctuante.
L’incidence des éléments extérieurs n’est pas anecdotique, elle relève autant de la proposition artistique que ses propres matériaux. Ainsi les œuvres aériennes et vivantes d’Isa Barbier ne cessent de se redécouvrir.
Un rapport autre à l’œuvre
“Une installation de plumes est un objet insaisissable, même par la photographie, qui n’a qu’un rôle de mémoire toujours défaillante, partielle, partiale. Ces sculptures d’air n’ont qu’une apparente fragilité. Un lieu propice à l’écart des tumultes, des soins simples et patients peuvent leur donner le temps de vie qu’on veut bien leur concéder.
Les fils peuvent être démêlés, les cires vérifiées entre deux doigts, les plumes peuvent être remplacées ou lavées. Toutes ces attentions sont un plaisir, aussi une contrainte. Pour la faire cesser, on peut défaire l’œuvre. Le grand volume se réduira alors en une poignée de plumes à déposer dans une “Boîte - Urne”. Plus tard, l’œuvre pourra être interprétée une nouvelle fois, au même endroit, en utilisant la “Partition” et les plumes mises en attente. L’œuvre est entre disparition et continuité. Sa vie dépend de nos gestes. Il faut oser la toucher, avec délicatesse, patience, souplesse pour la maintenir en vie, mais aussi accepter la fin de l’œuvre, un jour que l’on décidera ou un jour accident. Et trouver dans cette fin la beauté, la liberté. Un nouvel espace. Être devant cette vie suspendue, si vulnérable, et par là si précieuse, comme devant notre vie.” Isa Barbier
“Ainsi sont ses plumes, toutes semblables, toutes différentes. Faux fractals. Comme une somme d’éléments semblables dont aucun n’est identique et tous recomposables à l’infini. À croire qu’elle observe dans les rais du soleil la danse des particules et qu’ayant l’œil, elle se fait messagère des ordonnancements naturels, nés du hasard et de la nécessité.
Isa Barbier propose un monde en possible extension, en possible effacement aussi. Ce mouvement si volatil, cette onde qui déplace les lignes, ce vent qui déforme ou rompt le corps des œuvres, cette sculpture du vide qui ne craint pas le néant renvoie à l’espace entre les choses plus qu’aux choses elles-mêmes. Et inscrit, au fil des œuvres, une pensée de la forme mouvante : aussi ténu soit-il, ce qui s’agite réfute le mirage d’un état éternel, indissoluble, suspendu au ciel des idées.
Comme un pas sur le sable, cette œuvre néglige aisément la stèle. Et sa légèreté ne tient pas seulement au motif de la plume, des feuilles, du fil, mais à sa méthode qui n’use de rien qui ne soit déjà là : dépouilles tombées du ciel, réunies et associées à un lieu de longue histoire, château, chapelle, etc. Rien n’est ôté au monde, rien n’y est ajouté ou si peu, mais l’ensemble est différemment ordonné. Isa Barbier semble glisser dans les espaces qu’elle apprivoise, sans les déchirer.” Christine Rodès, Juin 2012
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Isa BARBIER
FRANCE
Née en 1945 à Cannes, Isa Barbier est une artiste française vivant et travaillant entre Marseille et l’Italie. Entrée aux Arts décoratifs à Nice en 1966, elle obtient une double licence en 1971 à l’Université d’Aix-en-Provence, en histoire, d’une part, et en histoire de l’art et archéologie, d’autre part. Cette expérience lui permet de consacrer dix années de sa vie au travail de fouilles archéologiques entre 1970 et 1980, ce qui ne l’empêche pas de présenter, par ailleurs, un DEUG de psychologie en 1973. À partir de 1980, elle se voue à la sculpture et au dessin. Elle présente tardivement une maîtrise d’arts plastiques en 1993.
En collectant les matériaux pour ses œuvres, des éléments naturels à même le sol, elle revient sur les pas de son enfance, accompagnée d’un père botaniste en quête de végétaux et d’insectes, amoureux des sciences naturelles.
Dans la première monographie qui lui est dédiée en 2017 par les éditions LIENART, Nathalie Ergino distingue chez l’artiste quatre types de travaux : les dessins sur papier, les reliefs muraux, les installations in situ et les microstructures.