Asinerie
H. Carole Solvay
"L’arbre à palabres" et "Résonances"
Publié le 26/01/2021
Plumes et fils de toutes sortes permettent à Carole Solvay d’exprimer son monde intérieur et la délicatesse de sa perception des choses. Ses arborescences arachnéennes ou ses nids moelleux fascinent par leur douceur et leurs imperceptibles vibrations.
“Il m’est beaucoup plus difficile de parler de mon travail que de le faire. Dans mes bons moments, le faire me vient tout seul. Il me suffit d’être sans attente, d’observer tranquillement l’ouvrage que j’ai commencé, d’imaginer ce que cela peut donner et d’y aller, et si je n’aime pas, je cherche ailleurs. Et j’aime quand j’y trouve de la vie, de la poésie, ou que je suis surprise.
Et si je suis dans un mauvais jour, il y a du fil de fer à traiter, des plumes à couper et à enfiler, toutes sortes de petits travaux qui me centrent et me rassurent.
J’ai longtemps cherché mon médium, et puis la plume s’est révélée par hasard comme une évidence : à la fois par une fascination pour la légèreté d’être, celle propre à la plume, et ma passion pour les oiseaux. Être autodidacte m’a donné une liberté que je n’aurais pas trouvée autrement. J’ai commencé par explorer les moyens de transformer la plume. Si j’avais peur de la mutiler, c’était inutile. Alors je me suis mise à choisir les parties à utiliser : barbes, rachis, calames. Je faisais de petites pièces en assemblant des fragments de plumes différentes que j’appelais gris-gris. Avec l’expérience et l’assurance, mon travail a pris de l’ampleur. J’ai commencé à quitter les murs et habiter l’espace. J’ai exploré la calligraphie, le dessin en trois dimensions, l’idée du mouvement, les frémissements de la matière. J’ai transformé ce qui évolue dans l’air en ce qui vit au fond des mers : corail, méduses, coquillages. Le temps que me prenait l’un de ces coraux se rapprochait de façon infinitésimale du temps que prend le corail pour se former et grandir au fond des mers.
À ma manière, je me représente aussi les choses de la nature. Elles allient à la fois ce que j’aime quand je travaille : la notion de temps, l’ouvrage remis tous les jours sur le métier, le mouvement, l’aérien, et mon imaginaire de la brume, pluie, vapeur, en dialogue direct avec les murs ou avec le sol. Peut-être que les vieux murs ont aussi une mémoire de ce qu’ils ont perçu du monde, comme les vieux arbres”. Carole Solvay
L’arbre à palabres et Résonances
“L’Arbre à palabres est le fruit d’un processus créatif long et méditatif et dont le travail de sculpture s’est finalement réalisé in situ. Même si la recherche débute dans l’atelier, c’est véritablement en fonction de l’Asinerie que la sculpture a intuitivement pris forme jour après jour. Dans cette pièce la lumière est très belle et changeante et j’ai voulu faire une suspension aérienne et organique qui soit en proie aux rayons du soleil et aux courants d’air. C’est dans ces milliers de vibrations que L’Arbre à palabres s’anime et prend racine.
À l’étage j’ai installé Résonances, un de mes Madrépores. C’est un peu le négatif de L’Arbre à palabres. Un autre univers, sombre et sous-marin, feutré. Il y a pour moi une sorte de respiration profonde qui émane de ce grand corail et qui fait écho avec l’œuvre voisine, comme si elles étaient dépendantes l’une de l’autre. Et aussi comme si Résonances puisait dans les vibrations et la photosynthèse de l’Arbre à palabres.” Carole Solvay
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Carole SOLVAY
BELGIQUE
Carole Solvay est née en 1954. Enfant, elle passe des heures à suivre le vol des hirondelles et le mouvement du vent dans les graminées, à écouter les bruissements dans les feuillages.
Lorsqu’elle se promène, elle récolte les plumes qui parsèment son chemin. Les plumes aériennes et organiques ; légères, complexes, délicates mais robustes. Les plumes noires, blanches et cendrées dont la beauté discrète rend l’irisation presque fluorescente des barbes des plumes de paons plus stupéfiantes encore.
Elle apprend à filer et à tisser, seule, avec des livres et prend goût à ce travail solitaire et répétitif. Bientôt, ce sont les plumes qu’elle pique et enfile sur du fil de fer pour créer des gris-gris débarbulés. Les premières œuvres nées de ce matériau inattendu prennent des formes vivantes. “Les idées me viennent en travaillant. J’essaye de rester libre et sans attente. J’aime ce qui me parait vivant, poétique, ou ce qui m’étonne moi-même.”
Carole Solvay s’inscrit dans une école d’art, mais comprend après quelques semaines que les contraintes des exercices scolaires ne lui conviennent pas. Œuvrant d’instinct, elle préfère découvrir les choses à son rythme et à sa manière.
“J’ai un grand besoin de calme et de solitude, et mon travail est très lié à mon évolution intérieure. En même temps, il se construit lentement, et cette notion d’espace dans le temps est particulièrement importante pour moi.”
Les travaux de Carole Solvay se nourrissent de la nature, les ciels, l’espace, la lumière et les mouvements à peine perceptibles de l’herbe et des feuillages. Sa vie est pleine d’histoires d’oiseaux. Elle n’a jamais décidé consciemment de travailler avec les plumes, cela s’est fait par hasard, “mais chaque expérience menant à une autre, j’y suis encore.”
En évoluant, son travail prend de l’ampleur, de moins en moins figuré, de plus en plus aérien. Peu à peu, elle fait oublier le matériau et gagne l’espace, sculpte la lumière.
Ses plumes se dressent en un jeu de formes et de contours, dessinant dans l’air, cerclant le vide, tressaillant sous le souffle du passage et renaissant sous les traits d’une chrysalide, d’une brume suspendue dans les airs, d’une fourrure verdoyante, d’une colonie de méduses ou de polypes soyeux.