Prés du Goualoup
38. Le jardin émotionnel
Carte verte à Arnaud Maurières et Éric Ossart
Publié le 18/01/2024
Le jardin est émotionnel par nature. En 2022, comme une réponse ou, plus exactement, une extension naturelle du manifeste de Mathias Goeritz, Arnaud Maurières et Éric Ossart publient le Manifeste du jardin émotionnel. Le jardin émotionnel est une illustration grandeur nature de cet ouvrage. Dans ce lieu qu’Éric Ossart a contribué à créer avec Jean-Paul Pigeat il y a une trentaine d’années, ce jardin apparaît comme un retour aux sources et témoigne modestement de la rencontre entre la Méditerranée mythique de Ferdinand Bac et le Mexique moderniste de Luis Barragan tout en illustrant le parcours des deux architectes-paysagistes.
Dans la parcelle, deux arbres isolés deviennent les éléments majeurs du jardin : l’un est entouré de murs de pierres brutes et forme un patio, l’autre, considéré comme sculpture végétale, est mis en valeur devant un haut mur ocre-jaune. La couleur est choisie en hommage à Mathias Goeritz : le haut mur du patio d’El Eco, construction aléatoire imaginée par Goeritz pour illustrer son propre manifeste, était peint dans cette couleur pour l’inauguration du bâtiment en septembre 1953.
La traversée du jardin, les arrêts suggérés par des bancs, les vues ménagées par les fentes entre les murs, orientent le regard vers les éléments structurels que sont l’arbre devant le mur ocre ou la jarre en terre posée sur un socle. Cette dernière est un clin d’œil aux Colombières où Ferdinand Bac a ponctué le parcours de ces jarres soclées qui apparaissent totalement iconoclastes à l’époque : depuis plusieurs siècles, seul le vase Médicis, véritable sculpture de pierre d’inspiration antique, est digne d’orner le parc des riches propriétés italiennes ou françaises et sûrement pas la vulgaire jarre à huile provençale, production artisanale, utilitaire et donc sans aucune valeur ! C’est une authentique jarre des Colombières, offerte par le propriétaire du jardin, Michael Likierman, qui sera l’ornement majeur du Jardin émotionnel.
CONCEPTEURS
Arnaud MAURIERES et Éric OSSART, architectes-paysagistes
FRANCE
Acteurs majeurs des débuts du Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire, les architectes-paysagistes Arnaud Maurières et Éric Ossart sont revenus créer un jardin permanent dans les Prés du Goualoup. L’un de leurs projets majeurs a été la restauration des Colombières à Menton. Créé par Ferdinand Bac entre 1917 et 1925, le jardin est classé au titre des monuments historiques depuis 1991. Ce classement est une reconnaissance de l’influence qu’aura ce jardin sur de nombreux paysagistes et architectes de l’époque moderne. Le plus célèbre d’entre eux est probablement l’architecte mexicain Luis Barragan, qui reçoit le Pritzker Price en 1980. La découverte des ouvrages de Ferdinand Bac en 1925, celle des Colombières et sa rencontre avec le créateur en 1933 vont décider de la carrière du jeune mexicain et influencer durablement ses travaux.
Lorsqu’Arnaud Maurières et Éric Ossart restaurent le jardin des Colombières entre 1995 et 2000, c’est autant dans les archives de Bac que dans les réalisations de Barragan qu’ils puisent leur inspiration pour poursuivre une œuvre initiée 70 ans auparavant. C’est pour découvrir les maisons et jardins de Luis Barragan qu’ils se rendent au Mexique pour la première fois en 2008 et tombent sous le charme du pays où ils s’installent trois ans plus tard. Hasard ou pas, ils plantent leur jardin sur les rives du lac Chapala, à quelques kilomètres du ranch familial de Barragan.
À Mexico, les propriétaires de la Casa Galvez, l’une des réalisations les plus emblématiques du maître, leur demandent aujourd’hui d’intervenir sur le jardin et en 2025, à l’occasion du centenaire des Colombières, le jardin de Ferdinand Bac et la Casa Galvez de Barragan seront jumelés.
Découvrir qu’un jardin français, dont ils ont été responsables de la restauration, est à l’origine de créations mexicaines qu’ils admirent les a beaucoup surpris, et même émus. C’est avec tout autant d’émotion qu’ils ont dessiné un espace inspiré par le modernisme mexicain pour le Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire.