06. Le soulèvement des graines
Dans un fracas assourdissant, trente-trois mètres cubes d’un fragment intersidéral nous sont parvenus sous la forme d’une graine d’abondance.
Cette dernière a activé un processus de fertilisation en rencontrant le sol de Chaumont-sur-Loire. Lors de l’impact s’est produit une onde de choc, déformant et craquelant ce sol, mêlant au substrat terreux l’essence même de la graine et générant ainsi un amalgame d’une grande richesse écologique. Cette semence "végéto-métallique" va alors germer, donnant naissance à ce jardin. Des éclats provenant de la germination jalonnent le parcours et transforment, au hasard de leur chute, le sol praticable en de véritables îlots de cultures. Le cœur de la graine détient les clés du "jardin à venir" : il propose de nouvelles façons d'entrevoir les méthodes de production à travers des tableaux associant des plantations maraîchères, des conseils pour la régénération des sols, ainsi que de nouvelles techniques de production aux supports variés, repoussant parfois la gravité et l'horizontalité.
Le jardin se découvre alors en quatre domaines complémentaires. Le domaine de l’air : symbolique architecturale de la dislocation de la graine en de multiples parois verticales et horizontales débordantes de plantes potagères et de grimpantes. Le domaine de l’eau : cellule de fraîcheur et régulateur de l’hygrométrie ambiante. Le domaine du sol : diffuseur de la richesse et de la diversité des variétés cultivées à travers l’éveil des sens. Le domaine de la contemplation : déambulation passive et active, de l’apprentissage et de l’émerveillement.
CONCEPTEURS
Arthur LEVEQUE DE VILMORIN, Romain LACOSTE et Paul LEURENT, paysagistes DPLG
FRANCE
Pour Arthur de Vilmorin, le végétal est affaire de famille et le paysage une passion. Ayant travaillé plusieurs années comme jardinier puis chef de chantier, il décide d'en faire son métier et choisit d'aller plus loin en reprenant ses études. Diplômé de l’École du Breuil en 2009, il poursuit sa formation de paysagiste à l'École Nationale Supérieure d'Architecture et du Paysage de Bordeaux. Exerçant déjà en parallèle de ses études, il conçoit et suit la réalisation de projets en France pour des particuliers et des entreprises. Ses compétences et son expertise s'étendent aussi bien au petit jardin de ville en passant par un balcon ou une terrasse, qu'à des conseils pour végétaliser l'espace de vie en intérieur, jusqu'à la conception ou la réhabilitation de grands parcs privés. Dans chacune de ses réalisations, il a le souci d'harmoniser la demande du client avec le projet paysager en l'insérant à l'environnement dans lequel il s'inscrit. Il aime les matériaux autant que les plantes et compose un équilibre entre ces éléments. Conscient des contraintes techniques de l'entretien il s'attache à le simplifier dans ses réalisations, conjuguant la préoccupation écologique et l'idée qu'un jardin se doit d'être pérenne.
Issu d’une famille dispersée aux quatre coins de la France, Paul Leurent découvre dès son plus jeune âge à travers ses voyages, les territoires français et se noue d’attachement pour ses paysages, et cette multitude de "bouts du monde" qu’ils recèlent. Fils d’une génération bercée par la montée de la conscience environnementale et qui doit faire face aux défis d’adaptations de la société industrielle, il souhaite prendre part à l’établissement d’un rapport au monde et aux humains plus équilibré. Il développe ainsi un engouement important pour les sciences humaines, la géographie, la biologie, les sciences de l’environnement et l’art des jardins, et envisage dès le lycée de devenir architecte paysagiste. Au bout de quatre années d’un parcours en entreprise, il contribue à plus d’une cinquantaine de réalisations ; jardins particuliers, aménagements d’espaces sensibles, quartiers habités, patios, parcs urbains et espaces publics. Il poursuit ses études à l'École Nationale Supérieure d'Architecture et du Paysage de Bordeaux. Les domaines du vivant, les sciences, l’énergie, l’agronomie, l’agriculture, l’hydrologie, l’architecture, l’urbanisme et même l’économie deviennent ses nouveaux outils de projet. En 2015, il réalise son mémoire de fin d’étude sur la résilience locale des territoires autour de Bordeaux, pour tenter d’apporter une nouvelle vision de la fabrication du territoire suscitant l’intérêt des collectivités locales. Ainsi, à la suite de son diplôme de paysagiste DPLG il fonde l’agence « 2L Paysage », bureau d’études en conception d’espaces et en aménagement du territoire avec son associé Romain Lacoste.
Tours, octobre 1985. Romain Lacoste épris de curiosité décide de se lancer dans la vie, tête la première. Qualité pour certains, d’aucuns diront défaut, elle ne le quitte plus et fait de lui ce garçon désireux de connaitre les mécanismes de la vie, à savoir, l’organisation de ce qui nous entoure. Cette appétence pour les sciences en général semble trouver son origine dans la sphère familiale. Un papa professeur de géographie et de lettres, une maman médecin et un grand-père ébéniste lui permettent de développer des intérêts croisés, allant de la fabrication d’objets en passant par la compréhension du territoire et le dessin comme expression plus tangible à l’exercice de la pensée. Bien que le design automobile et l’architecture soient ses rêves d’enfant, c’est par la géographie et l’urbanisme qu’il aborde l’enseignement supérieur en 2003. Il y développe une approche scientifique des territoires doublée d’une vision cartographique. Le cycle de Licence terminé, le dessin comme fil rouge, c’est l’École Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage de Bordeaux qui lui permet d’orienter sa pensée vers une vision plus ethnographique de la société. Rassemblant alors les outils de compréhension mais aussi de conception de l’espace, il trouve dans les enseignements dispensés, une opportunité de mêler l’artistique et le scientifique. Trente années ont ainsi été nécessaires à l’émergence d’une pensée, celle-là même retranscrite brièvement mais sincèrement sur la parcelle de Chaumont-sur-Loire, celle-là même mise en commun avec Paul Leurent à travers leur jeune agence de paysage. L’agence "2L Paysage" est à l’image d’un iceberg : une partie visible, mobile, traduisant une volonté de travailler à l’émergence de nouveaux territoires par la transformation des manières de consommer, de produire et d’habiter, et une partie immergée : un outil pour expérimenter intrinsèquement les possibles de demain, à travers concours, jardins de particuliers et projets d’aménagement.