Galerie de la Cour des Jardiniers
Ralph Samuel Grossmann
"Botanica / Lumière Diffractée "
Publié le 14/11/2018
La série photographique présentée à Chaumont-sur-Loire par Ralph Samuel Grossmann résulte de l’observation par l’artiste de la flore des friches berlinoises. Classant les plantes comme dans un herbier contemporain, il met en évidence, dans une démarche à la limite de l’art et de la science, la diversité chromatique et structurelle des végétaux. Les fleurs sauvages sont cueillies dans les friches lors de promenades quotidiennes, puis photographiées à l'atelier, posées dans des vases en porcelaine néo-classique, révélant ainsi la spectaculaire diversité de leurs formes et couleurs
"Les mutations urbanistiques sont à l’origine de la présence de friches sur nos territoires. Les chemins de fer et les rives de cours d’eau constituent le lieu habituel des friches urbaines. Les urbanistes ont souvent contribué à réhabiliter les espaces autour d’anciennes voies de chemin de fer ou le long de rivières, afin de créer un passage pour plantes et animaux dans le réseau de circulation urbaine. C’est la cas à Berlin, ville qui est un exemple vivant de l’impact qu’un tel réseau constitue pour la biodiversité florale (et animale). Cette donnée concrète du territoire berlinois constitue une identité forte, une poésie urbaine particulière, où nature et ville moderne jouent à s’entremêler. La série a consisté à repérer trois friches, à les photographier et à récolter au hasard des promenades leur flore. Il s’en est suivi un ensemble botanique.
Photon- lumière- dissémination- couleur / Plante- lumière- couleur- dissémination :
La plante se reproduit par dissémination. La diffraction de la lumière correspond à une dissémination de photons sur la surface et sa réfraction dans l’espace. Essentielle dans la perception des couleurs, elle révèle également les formes du réel. Pour évoquer ces faits de manière subtile, un double système d’enregistrement photographique a été mis en place. D’abord un portrait d’identité de la plante : mise en scène et immergée dans la lumière frontale d’un flash. De cet éclat de photons diffractés, un agrandissement numérique donne à voir le détail infime. Cette microscopie se présente comme une réalité invisible (à nos yeux) et pourtant visuellement connectée à l’image macroscopique. Le phénotype (forme réelle de la plante) est ainsi associé à un extrait chromatique. Ces deux réalités se complètent, juxtaposées comme deux réalités en miroir qui ne peuvent fusionner.
Identité botanique + Écho historique :
Au XVIIIème siècle, le système de classification des plantes par Linné est publié entre 1735 et 1758, alors qu’en Europe se créent plusieurs manufactures de porcelaine. En 1753 Oudry présente à l’Académie son célèbre "Canard Blanc" où il s'interroge sur la richesse chromatique d’un "sujet blanc sur fond blanc". L’idée d’identifier une plante s’est donc établie dans un contexte historique spécifique, où observation, art et sciences ont dialogué. Choisir un vase de porcelaine pour offrir aux plantes un réceptacle est par conséquent un choix voulu. Il fait sens. Il inscrit cette démarche de cueillette, d’observation, d’identification dans une histoire, à la confluence de l’art et des sciences. Il rappelle ce passé et le relie à une réalité contemporaine. D’une époque de la science et de l’art à une autre, la nôtre. Une première image détaille l’architecture végétale, elle est complétée par une seconde image, un code chromatique de taille microscopique, qui peut se lire comme une métaphore de la génétique, en tous les cas, comme une signature unique de la réalité optique sous lumière diffractée. Cet échantillon de réel, coloré et lumineux, est aussi une matière quasi-picturale, une traduction que notre œil peut reconnaître comme vraie, de la couleur révélée par la lumière.
Parcours de l'exposition :
Dans l’espace d’exposition, ces deux réalités sont présentées, mais ne peuvent se fondre, elles demeurent juxtaposées, fragments réunis, témoignage du jeu de la diffraction lumineuse. Les fleurs sont identifiées par forme et couleur, macro et microscopie en miroir. La friche est positionnée entourée des images de plantes qui en sont issues : extraction du sujet, extraction d’un détail, selon une progression qui se ressent exponentielle. En contrepoint aux images puissamment chromatiques des plantes, les images des friches forment un référent documentaire. Ces lieux immédiatement voisins sont ainsi montrés pour ce qu’ils sont : l’espace de la métamorphose urbaine. Des lieux où nature et élément urbains forment une « nature urbanisée » en équilibre précaire entre liberté de pousse et pression bétonnière. Des espaces de respiration dans la ville où nature et constructions s’hybrident tant dans la réalité que dans notre imaginaire. La taille réduite des friches est contredite par la richesse florale qui y est contenue. L’identification des plantes et leur mise en image démultiplie pour notre raison, comme pour nos sens, la richesse d’un territoire apparemment sans importance, celui des friches, ces zones franches revivifiées par la nature." Ralph Samuel Grossmann
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Ralph-Samuel GROSSMANN
FRANCE
Photographe, titulaire d’une Maîtrise d’histoire de l’art contemporain et diplômé de la Tyler School of Art de Philadelphie, où il a enseigné la photographie, il expose pour la première fois en 2001 à New York.
Il a vécu et travaillé à Berlin et vient de s’installer à nouveau à Paris. Il est représenté, entre autres, par la Galerie Nathalie Béreau (Chinon) et Donopoulos Fine Arts (Thessalonique).
Entre 2003 et 2007, de retour des États-Unis, il développe sa pratique photographique, expose à Berlin et Paris la série Désirella composée de photographies et de vidéos et assure le commissariat d’expositions au Musée Carnavalet à Paris.
Entre 2008 et 2012, il vit à Berlin et réalise, entre France et Allemagne, une nouvelle série consacrée au paysage et aux nuages, le Monde Voilé. Cette série connaît un important succès critique et a été présentée à six reprises en France, Grèce et Allemagne entre 2008 et 2012. Elle est accompagnée dans trois de ces expositions d'une série de sculptures en bois et pierre, les Séismes.
De retour en France fin 2012, l’artiste finalise la série Botanica / Lumière Diffractée et développe depuis le printemps 2013 un nouveau corpus artistique consacré à la forêt.