Écuries
C. Safia Hijos
"Supernatures"
Publié le 26/01/2021
“Je fabrique lentement mon jardin intérieur, mi-végétal, mi-animal, à suspendre aux murs au sein même de la maison. Il s’agit d’ornements et tout se mêle un peu ici : le rococo de la fleurisserie de la Pompadour, les arabesques végétales des Grotesques, les citrons éclatants de Luca Della Robbia, les guirlandes de fleurs et de feuilles ornant les façades des villes, les écailles et les griffes des chimères et même Sonic le hérisson d’un jeu vidéo...
La littérature enfantine à travers “Max et les maxi monstres” de Maurice Sendak est aussi présente par l’apparition incongrue de la nature dans l’espace intérieur et cette phrase “Et tout à coup une forêt poussa dans la chambre de Max” résonne dans l’installation.
Toujours dans la culture populaire, il y a ce film anglais “La forêt d’émeraude” de John Boorman – un navet des années 80 – dont le titre plutôt poétique est la seule chose à retenir notamment parce qu’il évoque la couleur et la profondeur de cette pierre précieuse possédant également un jardin intérieur, des inclusions qui en font toute la beauté et que j’ai voulu évoquer à travers les émaux recouvrant les sculptures.
Par la forme démesurément allongée des pièces, j’aime à faire une discrète allusion à la philosophie du Jardin d’Épicure. Les fenêtres romaines donnant sur les jardins étaient apparemment étroites pour mieux procurer la sensation d’agrément, de suavitas à la vue du jardin. Cela, c’est un de mes auteurs favoris qui le raconte, Pascal Quignard dans “Le sexe et l’effroi” dont je tire très souvent de l’inspiration. Il écrit ainsi “Qu’est-ce qu’un jardin à Rome ? … Se tenir immobile comme un feuillage avant l’orage”. L’argile pétrifié de mes céramiques lui rend hommage.
Enfin, je garde près de moi ce vers plein d’espérance de Wilhelm Müller et Franz Schubert tiré du Voyage en hiver : “Wann grünt ihr Blätter am Fenster ?” (Quand reverdiront les feuilles à ma fenêtre ?)" Safia Hijos
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Safia HIJOS
FRANCE
Safia Hijos vit et travaille à Nîmes. Après des études de droit et quelques années dans le conseil, elle décide de se consacrer entièrement à la céramique. Elle est diplômée d’un Master 2 en Céramique obtenu à La Cambre, Bruxelles en 2014.
En 2019, son installation Émeraude supersonique, sonique et aux feuilles rouges est récompensée du Grand Prix de la Biennale de Vallauris.
Aujourd’hui, la céramiste travaille dans son propre atelier, expose régulièrement en Europe et ailleurs et enseigne ponctuellement dans différentes institutions.