Grange aux Abeilles
Luzia Simons
"Scanogrammes"
Publié le 20/05/2019
Luzia Simons propose elle aussi un voyage dans la couleur à travers une série de scannogrammes grand format de tulipes dépixélisées et repixélisées. Il ne s’agit pas de scanner des reproductions de tulipes, mais bel et bien de scanner les fleurs elles-mêmes.
Les motifs sont fragmentés, ultra précis dans le détail et agrandis jusqu’à l’inconcevable.
L’appareil photo est à l’image de l’œil humain. Sa construction obéit aux lois naturelles de l’optique avec ses mécanismes physiques : lentille convexe, rayons lumineux focalisés, accommodation à la distance de l’objet. Il est doté d’un point de vue individuel équipé d’une surface de réception sensible à la lumière qui crée une image virtuelle de la réalité. La dimension manquante de la profondeur est compensée par le théorème de la perspective.
Le scanner, contrairement à l’appareil photo, n’a pas de point de vue. L’ancien poste d’observation, jadis stable, s’est mis en mouvement et transformé en manière de voir. Le scanner ne comporte ni lentille ni point focal, ne connaît ni perspective ni ligne de fuite. A la manière d’un aveugle, il appréhende la réalité par tâtonnements, stockant côte à côte avec la plus haute précision et la plus grande régularité les pixels de l’image. Tout ce qui se trouve au premier plan est pour lui clair et net, tandis que la profondeur de champ se disssout dans une obscurité floue. C’est comme si le scanner était la technique appropriée à une mondialisation pleinement en marche.
Ce n’est pas par hasard que Luzia Simons scanne des tulipes. La tulipe et son bulbe, jadis aussi précieux que l’or, originaires non de Hollande mais d’Iran et de Turquie où ils symbolisent encore aujourd’hui la vie d’un individu aimé, revêtent pour Luzia Simons un intérêt artistique particulier. La confusion culturelle et la perte d’identité mais aussi, en contrepartie, l’enrichissement à travers l’échange, sont les sujets que l’artiste thématise depuis longtemps, dans des œuvres telles que Transit, Face Migration, Luftwurzeln .
La référence baroque à la beauté et à la fugacité des choses est avant tout ironique. En revanche, ces tulipes se mettent résolument en scène et deviennent les acteurs d’un grand drame chromatique. Pourtant, il ne s’agit pas d’individus. L’artificialité de la surface scannée, cette image parfaitement plane, d’une précision micrographique, réfléchit la frontière entre image et réalité à la manière d’un épiderme sensible.
Comme si cela ne suffisait pas, Luzia Simons place ses tableaux muraux, qu’elle livre sous forme de fragments, de stockages, au spectateur, libre alors d’en faire une composition dans le contexte d’une installation.
Repères biographiques
Luzia SIMONS
BRÉSIL
Née en 1953 à Quixadà, Cearà (Brésil), Luzia Simons vit et travaille à Berlin et Stuttgart (Allemagne). Représentée par la Galerie Nara Roesler, São Paulo et la Galerie Andrieu, Berlin, elle expose régulièrement en Allemagne, en France et au Brésil. Ses œuvres sont présentes dans de nombreuses collections dont : Graphische Sammlung der Staatsgalerie, Stuttgart; Kupferstich-Kabinett der Staatl, Kunstsammlungen, Dresden; Fonds National d’Art Contemporain, Paris; Fonds Régional d’Art Contemporain de Basse-Normandie, Caen; Graphotek der Stadtbücherei, Stuttgart; Artotek Felbach, Allemagne; Artothèque de Caen; Casa de las Americas, Havana, Cuba; Fotosammlung Joaquim Paiva, Brasilia, Brésil; Pirelli Fotosammlung, Museu de Arte de Sào Paulo, Brésil... Citoyenne du monde, elle est l’auteur de Transit, un travail dans lequel elle interroge les notions d’identité, de migration et de multiplicité de l’être.
« On ne peut s’empêcher de penser que dans Transit, Luzia Simons a concrétisé son musée transportable d’Ellis Island, sa boîte en
valise ». Les 32 pages du passeport de l’artiste sont agrandies, mélangées, découpées, recollées, recomposées, « falsifiées » au sens de la loi, brouillant les pistes et offrant en même temps des morceaux de ce qu’elle est, ou de ce qu’elle fut aux divers moments de sa vie.
« On ne peut s’empêcher de penser que dans Transit, Luzia Simons a concrétisé son musée transportable d’Ellis Island, sa boîte en
valise ». Les 32 pages du passeport de l’artiste sont agrandies, mélangées, découpées, recollées, recomposées, « falsifiées » au sens de la loi, brouillant les pistes et offrant en même temps des morceaux de ce qu’elle est, ou de ce qu’elle fut aux divers moments de sa vie.