10. Transparences
Publié le 27/12/2023
La visite de ce jardin demande une attention particulière. L’ambiance ici est feutrée, silencieuse. L’espace central est vide et ombragé. Des rais de soleil strient le sol. L’horizon est déterminé par une paroi souple et lumineuse qui crée une atmosphère propice à la magie : quelque chose va se passer. Sur cette surface laiteuse, le visiteur observe l’ombre des végétaux que l’on a plan- tés derrière la paroi. On s’assoit et on regarde ce spectacle comme un théâtre d’ombre chinoise. À certains moments, le voile se déchire : un jardin coloré apparaît, avec différentes variétés de dahlias et de cosmos et un potager où se devinent des courgettes, de la rhubarbe et des tomates cerise. Le vent joue dans les plantes qui se mettent alors à danser.
L’ombre est de même nature que le souvenir : la mémoire ne garde que la silhouette des évènements réels, comme les ombres ne sont que des images appauvries. Le visiteur est mû par le désir de déchirer le voile du temps et de retrouver l’objet original, dans sa totalité sensitive. Les ombres ne font que lui rappeler des choses qu’il connaît et qu’il a déjà vues. Ce jardin est en quelque sorte une caverne végétale au sens de la caverne de Platon transposée dans le jardin. Les visiteurs ne voient ici que les ombres des végétaux de la même manière que les prisonniers de la caverne ne voyaient que l’ombre des objets projetés sur le mur par le feu. "Aux yeux de ces gens-là, la réalité ne saurait être autre chose que les ombres des objets confectionnés." (Platon, La République).
CONCEPTEURS
Alessandro ESCHER, paysagiste et Irene KUBICEK, plasticienne
ITALIE
Alessandro Escher est un paysagiste né en 1950. Il participe à de nombreuses interventions artistiques dans la nature en France dont plusieurs fois avec Irene Kubicek. Celle-ci, née en 1945, est membre de l'Académie des Arts de Francfort et expose régulièrement en Allemagne, Suisse, Autriche et Grande-Bretagne.