Château
A. Luzia Simons
"Mil flores"
Publié le 25/01/2019
Photographe plasticienne, Luzia Simons travaille le thème du végétal depuis de nombreuses années. Ses natures mortes aux fleurs, qu’elle aime à tirer en grand format, sont issues d’une technique de scanner qu’elle a mis au point et qu’elle n’a de cesse de perfectionner, comme pour toujours mieux rentrer dans la matière même des fleurs, tenter d’en toucher la chair.
Transposer une image de Luzia Simons en une tapisserie tombait sous le sens. La référence est évidente au sujet dit "aux Mille fleurs" si répandu dans la France et les Pays-Bas des XVème et XVIème siècles pour ne pas tenter de l’explorer. Mais quitter la perfection et la netteté du tirage pour l’expression d’un textile au rendu certes noble, mais aussi incertain, n’était pas non plus sans risque.
Le choix de travailler la technique dite de Jacquard s’est imposé et avec elle Flanders Tapestries, atelier renommé des Flandres qui travaille aujourd’hui pour nombre d’artistes contemporains, à redonner à la tapisserie toutes ses lettres de noblesse. L’expérience passe alors par une longue phase de mise au point des couleurs, d’équilibre de points et de fils, puisqu’il ne s’agit pas ici de vouloir à tout prix égaler la qualité d’un tirage professionnel, mais tout au contraire de réinventer l’œuvre en la poussant dans les replis et le vivant du textile. Mil Fiores est dans ce sens, une nouvelle étape dans l’œuvre de l’artiste, une révolution plus qu’une simple et belle évolution. Comme elle le dit elle-même, la texture de la tapisserie donne à l’image une autre vie, en la sortant d’une certaine immobilité, du rendu parfois trop figé de la photographie, pour basculer dans un rapport tout à fait charnel, une sensualité qui se dégage du support pour nous faire véritablement pénétrer au cœur du sujet. C’est de cette matière végétale qui se délite, de ces fleurs si belles de se faner à nos yeux, que se nourrit la tapisserie Mil Flores pour mieux nous révéler par ce travail si précieux de fils et de couleurs, le secret de cette nature bien vivante qu’explore Luzia Simons.
Tapisserie Jacquard
On appelle ainsi les tapisseries réalisées grâce à l'utilisation d'un métier mécanique "Jacquard", du nom de l'ingénieur français qui en déposa le brevet en 1801. Ce sont des tapisseries avec des trames continues. Le XIXème siècle est l'époque de l'introduction du machinisme : la vogue constante de la tapisserie provoque des recherches. Les perfectionnements techniques, et les fabricants tentent de remplacer l'onéreuse main d'œuvre humaine par la machine; L'invention du métier mécanique Jacquard permet alors à quelques manufactures de fabriquer des tissus proches de la tapisserie classique. Jacquard précise dans son brevet de 1801 : "La manière de mettre la machine en mouvement par le moyen des marches est un grand avantage, puisqu’il en résulte plus de célérité dans l’exécution".
Les tapisseries réalisées par procédé mécanique Jacquard sont reconnaissables sur leur face par les fils de chaîne qui passent en dessous d'un fil de trame sur deux le rendant ainsi visible. Il n'y a aucun "relais" comme en tapisserie des Gobelins ou de Beauvais qui sont à trames discontinues. Le tissu est formé d'un seul tenant par le fil de trame qui court d'un bord à l'autre et qui est retenu au dessus par le jeu alternatif des fils de chaîne. La technique permet également une très haute précision dans les motifs, et offre une palette de nuances de couleurs très large, ce qui a contribué à la voir de nouveau très prisée par les artistes contemporains depuis quelques années.
Flanders Tapestries
Flanders Tapestries est un atelier de tissage de qualité situé en Flandre, région connue pour ses tapisseries depuis le Moyen Age. À l’époque médiévale, conçue pour couvrir les murs froids des châteaux en affichant richesse et pouvoir, la tapisserie devient une forme majeure d'art visuel aux côtés de la peinture et de la sculpture. Plus proche de nous, Flanders Tapestries conçoit sa première tapisserie il y un quart de siècle. La manufacture conserve la totalité du processus de production en Belgique ce qui lui permet de créer un style propre et une collection offrant une grande diversité de styles et de tailles. Chaque production est un chef-d'œuvre. Tout comme il y a plusieurs siècles, la demande de tapisseries sur mesure, exclusives, connaît un renouveau depuis quelques années. L’atelier travaille aujourd'hui avec des artistes contemporains du monde entier afin d’offrir des œuvres d’exception et protéger ce patrimoine unique.
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Luzia SIMONS
BRÉSIL
Née en 1953 à Quixada, dans le Nordeste brésilien, Luzia Simons fait ses études à Paris, d’abord en histoire, puis en arts plastiques à la Sorbonne. En 1986, elle s’installe en Allemagne. Aujourd’hui elle vit et travaille à Berlin.
Ses dernières expositions personnelles en 2018 sont Lustgarten à la Galerie Tristan Lorenz, Francfort (Allemagne) et Between Exploration and Revelation (avec Luo Fahui) au Sanya Museum of Contemporary Art, Sanya (Chine). En juin 2016, les Archives Nationales ont accueilli sur leur site parisien son exposition STOCKAGE, une installation contemporaine in situ proposée pour la cour d’honneur de l’hôtel de Soubise avec une double série de scannogrammes. La même année, elle expose au Domaine de Chaumont-sur-Loire un travail photographique hyperréaliste sur la flore brésilienne. D’autres grandes expositions lui ont été consacrées, notamment à la Pinacothèque de São Paulo en 2013, au Centre d’Arts et de Nature de Chaumont-sur-Loire en 2009, à la Künstlerhaus Bethanien à Berlin en 2006, à l’Institut Français d’Istanbul en parallèle de la Biennale en 2005, et à la Württembergischer Kunstverein à Stuttgart en 2002.
On lui doit aussi une performance, Memory Error, menée avec Iris Meinhardt et Michael Knoedgen en 1999. Cette expérience, où photographie, danse et musique électronique sont mêlées, a été renouvelée à plusieurs reprises, en 1999, 2000 et 2004. En 2001, elle conçoit une autre performance de ce type avec Julia Nachtmann, Save as Julia. Elle réalise aussi des vidéos depuis 2002 (Face Migration, Blow-up, Amazonas Path… ). En 2017, elle projette la série Blacklist 1, 2, 3 et 4 à l’occasion du Festival international des jardins sur le thème Flower Power / le pouvoir des fleurs.