23. Mémoire tactile
Publié le 27/12/2023
Imaginez un champ de fougères infini : où que se portent vos yeux, vous voyez des fougères, encore des fougères, toujours des fougères. Et pourtant le jardin a une limite... L’étonnement naît de cette riche exubérance colorée. Un écran est responsable de ces effets. Il est composé de plis successifs de feuilles de plastiques et de chrome. Le dessin de ses formes s’inspire de la structure même de la plante. La topographie du jardin est accidentée de façon à multiplier les angles de réfraction entre l’écran et les fougères.
Ce n’est pas un hasard si nous nous trouvons dans un jardin de fougères : le développement de cette plante est ici une métaphore du fonctionnement de la mémoire. La plante naissante est enroulée, puis elle se déploie peu à peu dans le temps avant d’atteindre sa taille adulte. De la même manière, le sou- venir, pris dans la volute de la mémoire ne s’épanouit qu’avec le temps.
Le reflet à l’infini des fougères ondulant sous la brise est à mettre en relation avec le fourmillement des souvenirs. De plus, le dispositif de réflexion est une traduction sensible du processus de la mémoire : le mur de chrome ondule et déforme l’image de la plante et de la lumière, comme la mémoire s’altère avec le temps et déforme nos souvenirs. Ils sont grossis, rétrécis, multipliés, disséminés, étirés, métamorphosés... Le mimétisme végétal est détourné, ou plutôt retourné à l’infini : les limites du jardin sont renversées vers l’intérieur et se perdent avec le regard du visiteur. L’aventure de ce jardin est une hésitation permanente entre réel et imaginaire : c’est le mouvement du corps du visiteur qui construit l’espace en perpétuelle recomposition. La promenade est alors créatrice d’une identité propre et chaque visiteur possède la mémoire privée de son expérience personnelle du lieu. Se souvenir c’est réfléchir au sens propre.
CONCEPTEURS
Philippe COIGNET, paysagiste, et David SERERO, architecte
FRANCE
Philippe Coignet est diplômé en 1998 de l’École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles. Pendant ses six années aux États-Unis, il obtient un master d'architecture de paysage en Pennsylvanie et travaille chez Peter Walker and Partners en Californie. En 2005, il fonde l’Office of Landscape Morphology à Paris après avoir été lauréat, avec les architectes Serero+Fernandez, du concours international pour le parc d’Hellenikon à Athènes.
David Serero est diplômé d'architecture de Paris-Villemin en 1998 et d'un master d'architecture de l'université de Colombia. Depuis 2000, il travaille à New York et à Paris, à des projets combinant la recherche et la conception dans les domaines de l'architecture, du paysage et d’urbanisme. En 2005, il a été lauréat de la Villa Médicis à Rome pour un travail sur les dômes acoustiques.
Outre Chaumont, ils ont réalisé ensemble un jardin pour le Festival de Métis au Canada.