Olivier Leroi

Par des gestes simples, Olivier Leroi transforme des objets observés et prélevés dans l’environnement. Son œuvre est un travail de relation au milieu. De la chose vue ou trouvée se déploie une proposition souvent à tiroirs. Une idée en entraînant une nouvelle, l’artiste passe d’un médium à un autre. Tantôt un paysage naît de la transformation d’une plume, tantôt un film nécessite un vol en hélicoptère ou un dessin n’use que d’un crayon à papier. Toujours la motivation surgit de la réalité. Comment se présente-t-elle ? Comment l’appréhender ? Comment s’y inscrire, la représenter et en partager le meilleur ? Autant de questions qui sous-tendent la démarche de l’artiste dont les œuvres-clés ouvrent à des interprétations aussi singulières qu’inattendues.
Le travail d’Olivier Leroi se déploie comme une exploration sensible et poétique du monde, ancré dans une observation minutieuse et une connexion intime avec la nature et le réel. Ses propositions interrogent notre perception du temps, de la mémoire et des liens que nous tissons avec ce et ceux qui nous entourent. « Souvent, on voit le temps comme quelque chose de linéaire : naissance, vie, mort, etc. Je me sens comme un point plus ou moins présent, proche à la fois de ma naissance et de ma mort. J’ai une conscience, voire une hyperconscience, du passage », explique l’artiste. Une perception qui transforme chacune de ses œuvres en une invitation à ressentir le présent comme un moment éternel, à la fois fragile et essentiel.
Chaque œuvre fonctionne comme un dispositif permettant de perturber et enrichir notre perception. En transformant formes et matières par différentes techniques, Olivier Leroi invite à voir au-delà des évidences. Ces créations, ancrées dans une vitalité joyeuse, donnent à chacun l’occasion de redécouvrir la beauté alentour, loin des classifications arbitraires.
« À ce titre, ses œuvres peuvent être considérées comme autant d’outils de lecture et d’interprétation de la réalité dans la diversité de ses manifestations. Qu’un Christ ou un Pinocchio trouvent à s’incarner dans un bois de bourdaine, une “mère d’artiste” dans un confit de canard ou une maison dans une plume d’oie sauvage, tout semble surgir avec évidence par la magie du lien, par l’activation d’une mémoire, qui classe, associe et d’une main qui fait migrer les formes par un geste précis de découpe, d’extraction, de forage. Au-delà de la forme, c’est ce chemin du raccordement que partage Olivier Leroi avec le regardeur. Et si l’on s’accorde volontiers sur le fait que son travail est doté d’humour, ce dernier n’est pas une fin en soi, mais plutôt la conséquence heureuse d’une façon de voir qui fait jaillir un état singulier de présence aux choses », expliquait la critique d’art Marguerite Pilven en 2017.
Loin de viser la démonstration, les créations d’Olivier Leroi aspirent à la justesse. Nombre de ses projets illustrent cette quête et nécessitent que l’artiste travaille en connivence avec « l’autre », vivant ou non vivant. Une capacité de reliance qui s’accompagne d’un sens poétique aigu : « La poésie est comme un lieu. Quand on lit, on est dans le présent du poème, dans un lieu au cœur du monde ». Ainsi s’affirme une vision : le présent est un espace de poésie où le regardeur est appelé à partager une expérience directe et sensible.
Le projet pour le Domaine de Chaumont-sur-Loire ne s’attache pas à la nature en général mais à l’environnement au sens large, aux liens qu’il est possible de tisser entre les « choses » mais également au phénomène d’apparition. Au cœur de la proposition d’Olivier Leroi, un travail sur un certain gallinacé et plus précisément son plumage. Une cinquantaine de dessins réalisés à partir des plumes d’un faisan vénéré renverra à des œuvres en contrepoint installées sur les grands cèdres du Parc historique. Sur un arbre dominant le chemin, une chouette aux yeux dissymétriques qui représentent pour l’un la Terre et l’autre la Lune, et sur un autre, situé entre les écuries et le château, un miroir ouvrira vers une autre dimension. Et sans doute d’autres choses encore… Autant de propositions qui nous rappellent sans cesse que, dans un temps souvent trop distrait, observer, éprouver et contempler sont des actes poétiques en soi, une manière d’habiter pleinement l’instant.
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Né en Sologne en 1962, Olivier Leroi a suivi une formation de forestier à Meymac en Corrèze tout en s’intéressant à l’art à travers une pratique personnelle nourrie de rencontres. En 1995, il intègre l’Institut des hautes études en arts plastiques, dirigé par Pontus Hulten. Éclairé par cette expérience, il a développé un travail de dessin et de sculpture dont le fil rouge est la relation au milieu. « L’œuvre advient par un échange qu’elle cristallise, elle s’insère dans une matérialité qu’elle sonde et amplifie », écrit Marguerite Pilven. Fondées sur une économie du geste et des moyens, ses opérations de décalage et de glissement sont empreintes d’un humour et d’une poésie onirique qui offrent alors de nouvelles perspectives, si ce n’est une nouvelle réalité, conférant à ses œuvres une dimension quasi-performative. Ainsi en est-il de nombreuses « œuvres vécues » réalisées à l’occasion de résidences comme Première neige en pays Dogon, au Mali, El Zorro blanco, au Mexique, La brigade de Chambord, en France. Dans le cadre de la commande publique, il s’attache à mettre en lien les contextes et les émergences vécues : Abscisses-ordonnées au Collège du Brunoy (91), Une molécule d’eau dans l’eau, au lycée du Giennois (45), Vingt et une histoires dans le vent, au collège de Thiant (59), Les 5 sens, Institut de Neuro-science de la Tronche-sur-Isère (38), 1020 km, Mont-Gerbier-de-Jonc (09), film en hélicoptère.