Daniel Firman
“Le sommeil en forêt” #1 2025

L’œuvre de Daniel Firman emprunte des formes spectaculaires qui toujours nous entraînent au plus près d’un point de rupture. Avec lui, un objet, une attitude, une situation, parfaitement inhabituels ou incongrus, deviennent des réalités tangibles, comme autant de « zones grises » à explorer. Faisant fi des passages obligés et des modes, l’artiste fait en sorte que le public voit tout de suite ce qui se passe, tout en appuyant son travail sur des réflexions approfondies portant sur la pesanteur et le mouvement.
« Adolescent, j’hésitais entre la danse et l’architecture, et les circonstances m’ont conduit à une école d’arts. Après quelques années, la sculpture s’est imposée comme le médium capable de répondre à mes désirs artistiques. Pour moi, elle est entre la danse et l’architecture. C’est pourquoi la question de l’espace physique est essentielle dans mon travail. Le poids, la gravité, la masse sont des problématiques avec lesquelles je travaille », explique-t-il.
Depuis le début, Daniel Firman travaille sur le corps. Un corps qui bouge, qui fabrique, qui porte, qui jette… Un corps qui performe. A travers lui, il interroge la relation de l’homme à son environnement. L’établissement de protocoles de production mûrement réfléchis, des intérêts divers pour des domaines non artistiques, comme l’économie ou les sciences, une manière de jouer avec les projections mentales du spectateur, révèlent une pensée très conceptuelle mais toujours en interaction avec le réel et travaillant à ajuster les équilibres, à établir des contrepoints. Pour Daniel Firman, le résultat n’est jamais prédéfini et la surprise toujours attendue.
Formé à la sculpture aux Beaux-Arts, il n’aime rien tant que dérouter, inverser, hybrider, cherchant à développer « la période de trouble de celui qui regarde : un point de suspension temporel ». Ensuite, les projets se divisent et se recomposent en fonction des invitations et des lieux d’exposition. L’artiste ne se laisse pas enfermer par les idées reçues. Évoquer ses « temps suspendu » ou l’hyperréalisme de ses objets-sculptures ne suffit pas. Il faut s’en remettre aux sens et au sentiment.
« Les œuvres de Daniel Firman sont difficiles à définir de manière univoque : elles sont à la fois humanisées et inhumaines, réalistes et illusoires, troublantes et ludiques. Tantôt pop art, tantôt minimalistes, elles échappent aux terminologies simplificatrices. Sa pratique artistique découle de la performance, d’une interaction avec l’espace et le corps. Les premières sculptures de cet artiste français ont été créées à partir de photographies documentant ses propres mouvements chorégraphiques », explique l’historienne de l’art Magdalena Zieba-Grodzka.
Pour l’une de ses séries les plus emblématiques, Daniel Firman remplace le corps humain par celui du plus imposant mammifère terrestre. La série Éléphant est une interprétation spécifique de l’espace, non pas comme une réalité physique, mais comme le support d’une vision. Habituellement, le corps, soumis à la gravité par nature, est « collé » au sol par l’entremise de membres inférieurs. Ici, Daniel Firman fait une autre proposition en utilisant la base de la trompe de l’éléphant comme surface d’adhésion possible. L’utilisant comme point d’appui, l’artiste inverse le volume et transforme l’impression ordinaire que donne cet organe de préhension. Voilà donc le pachyderme saisi dans un extraordinaire équilibre.
Installé sous l’Auvent des Écuries, le nouvel éléphant de Daniel Firman nous projette dans un autre monde, un monde sans gravité. Telle une « perturbation gravitationnelle », comme aime à le dire l’artiste, le phénomène remet en question les notions de haut et de bas, d’horizontalité et de verticalité. Interrogeant un scientifique sur les circonstances rendant possible une telle position, Daniel Firman obtint trois hypothèses : soit l’éléphant est placé en orbite à 18 000 km de la Terre, soit il est sur une planète plus petite que la nôtre, soit il est sur une planète gazeuse ! Toujours est-il que cette position improbable forge la conviction d’un arrêt sur image. À n’en pas douter l’animal a été saisi en pleine chorégraphie ! Pour le plus grand étonnement et émerveillement de tous.
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
FRANCE
Daniel Firman est né en 1966 à Bron, France. Après des études aux Beaux-Arts de Saint-Étienne puis d’Angoulême, il s’intéresse de près à la sculpture ainsi qu’aux travaux de Robert Morris et Bruce Nauman. Pensées comme des « environnements systèmes », ses œuvres, conçues à partir de techniques et de processus divers (performance, moulage ou encore recyclage), allient hasard et conception, corps et esprit, suspension du temps et mouvement. L’intérêt de l’artiste pour la physique et l’énergie des corps, pour le mouvement et son rapport à l’espace se traduit par un travail de sculpture au centre duquel la figure revient de manière récurrente. Prise dans un élan chorégraphique et narratif, elle est traitée sur un mode réaliste. Mais le visage de chaque « personnage » est caché, rendant la proposition facilement appréhendable par tous. Daniel Firman envisage le corps humain comme l’interface de l’individu, comme le vecteur de sa présence et de son action dans un monde à la fois ordinaire et en mutation. Son travail fait régulièrement l’objet d’expositions personnelles et collectives. Il a ainsi exposé en France et dans de nombreux pays européens, mais également en Amérique et en Asie. Il a participé à la Biennale de Venise en 2009.
Daniel Firman est représenté par la Galerie Ceysson & Bénétière, Paris.