Nicolas Bruant
"Arbres"
Nicolas Bruant a façonné son geste photographique depuis les années 1970 en se nourrissant de la peinture, de l’architecture, de la littérature, et de la musique. Constater les passerelles entre toutes ces disciplines lui est rapidement apparu comme une évidence. Il a observé, écouté les artistes qu’il considère comme de “bons maîtres”, ceux qui, par la qualité de leur travail, ont influencé sa génération. Ces inspirations structurent son regard, elles lui ont permis de prendre du recul, une forme de mise au point qui lui semble nécessaire pour aborder le geste photographique.
Libéré de l’évidence et des représentations construites dans l’habitude, Nicolas Bruant laisse les identifications premières s’estomper, celles dont un regard inattentif s’accommode. Il ne se considère pas comme témoin, ne décrit pas, n’authentifie pas non plus. Il ne photographie pas ce qu’il voit mais ce qu’il éprouve. La photographie est une façon de libérer le regard de ce que le réel lui impose, elle est un moyen de réexaminer le monde.
Pour ce faire, le photographe cherche à développer une “ligne” singulière : une ligne qui se préserve de l’anecdote, une ligne rigoureuse qui veut associer la géométrie et l’équilibre des masses. Il s’affranchit de la couleur pour travailler à partir d’une palette de nuances d’ombre et de lumière. La photographie en noir et blanc lui permet de rejoindre l’abstraction. Chaque élément devient le fragment d’une épreuve où les plans se confondent, et à partir duquel il tend à créer un nouveau geste figuratif. Il extrait, de ce qui se présente devant lui, des lignes, des courbes, des formes et propose son propre dessin du monde. Chaque élément devient le fragment d’une épreuve où les plans se confondent, et à partir duquel il tend à créer un nouveau geste figuratif, une nouvelle réalité plastique : les dunes sont des ondulations sous la pointe d’un crayon ; l’individualité du zèbre se disloque pour faire apparaître une multitude de formes et d’ombres qui agencent une réalité jusqu’ici indiscernable. Il extrait, de ce qui se présente devant lui, des lignes, des courbes, des formes et propose son propre dessin du monde.
Mais la photographie de Nicolas Bruant n’est pas seulement un geste abstrait. Elle n’est pas seulement la passion d’un esthète solitaire, elle lui permet aussi de parler des hommes et des femmes croisés sur son chemin, et pour lesquels il conserve une profonde admiration. De longs mois en Afrique lui ont permis d’appréhender l’ouvrage des artisans, l’enseignement dans les écoles coraniques, la cérémonie des morts... Gestes, regards, joie, souffrance, dialogue entre les générations ont été saisis. Bruant n’a jamais voulu s’en tenir au regard de l’étranger, toujours il a cherché à atteindre l’essence même des pays et des lieux où il a séjourné. “Ces peuples ont beaucoup à nous apprendre.”
Dans le Château du Domaine de Chaumont-sur-Loire, ce sont des arbres qui témoignent de son œuvre profondément humaniste. Cette série consacrée aux végétaux, peu importe qu’il s’agisse d’une armée de troncs ayant percé le sol forestier de Compiègne, ou bien un champ de baobabs en pays Dogon, propose une conversion du regard, en mettant en lumière le caractère expressif de chaque portion de sous-bois. Il rend manifeste à l’observateur la profonde discrétion du monde. Il fait entendre le murmure qu’entretiennent les choses entre elles. Il nous donne son pressentiment. Il pose la lumière sur le temps. On y lit la fragilité du monde.