Letizia Le Fur
"Décolorisation"

De ses études, Letizia Le Fur conserve un intérêt particulier pour l’histoire de l’art, la maîtrise de la lumière et de la couleur. Couleur que la photographe travaille par petites touches. Comme un peintre use de sa palette, Letizia Le Fur isole et transforme, corrige, ajoute, exalte les tonalités, les amplifie pour transcender le réel et créer une sensation de monde flottant entre le fantastique et le rêve. Sa quête d’harmonie et de beauté libère sa pratique, l’éloigne des codes en vigueur. Une quête inattendue, absolue, parfois secrète, et toujours en opposition à la laideur et à l’inapproprié.
Pour Chaumont-Photo-sur-Loire, Letizia Le Fur présente une sélection d’images appartenant à une série très spéciale réalisée sur l’île de Tahiti et pour laquelle elle a expérimenté la disparition des couleurs. Les paysages étranges, à la nature parfois oppressante, perdent leurs chatoiements colorés. Le turquoise de la lagune, le vert de la forêt luxuriante, le rouge des hibiscus… disparaissent. “Comme pour tous mes projets, j’ai effectué dans un premier temps un travail minutieux d’harmonisation des couleurs, pour dans un second temps gommer chaque teinte et créer des œuvres avec une gamme de gris la plus riche possible où le noir et le blanc n’existent pas.”
À une lettre près de “décolonisation”, le titre, Décolorisation (2022-2023), illustre le “procédé de déconstruction visuelle et conceptuelle” mis au point par l’artiste. De ces tableaux monochromes, émerge la beauté irréelle de lieux presque méconnaissables. Sans sa parure éclatante, Tahiti se révèle autre, telle une belle endormie. “Cette métaphore chromatique aborde la difficulté à maintenir éveillées culture et identité en territoire annexé. Ce projet interroge également les enjeux de représentation de la beauté et le fantasme des lointains. Tahiti, souvent idéalisée comme une terre d’exotisme et de splendeur, s’enveloppe ici d’une étrange torpeur tropicale, comme suspendue dans le temps. Chaque photographie évoque un paradis perdu où l’atmosphère cotonneuse d’une fin du monde peut sans doute nous rappeler les nuages d’un passé que l’on tente d’oublier.”
REPÈRES BIOGRAPHIQUES

Exposition réalisée avec le soutien de Florence Moll. Letizia Le Fur est représentée par la Galerie Julie Caredda, Paris.