Pascal Convert
"Les 1000 yeux de la falaise de Bâmiyân"
Cinéaste, plasticien, photographe, écrivain, Pascal Convert est un artiste profond, aux talents multiformes, obsédé par les traces, les empreintes des lieux de souffrance humaine, dont il préserve la mémoire sous des formes multiples. Les images inédites des paysages de Bâmiyân, présentées dans le cadre de Chaumont-Photo-sur-Loire furent prises par l’artiste lors du voyage qu’il effectua en Afghanistan en 2016. Elles montrent non pas la célèbre falaise martyrisée, mais ce que “voyaient” les Bouddhas, ces paysages magnifiques que l’on apercevait aussi des cellules de moine sculptées dans le grès au 6ème siècle de notre ère.
“Mon travail s’apparente à celui de l’archéologue, qui n’est pas un découvreur mais un inventeur de lieux invisibles jusque-là. De là le terme “invention” attribué à une découverte par un archéologue de quelque chose qui lui préexistait souvent depuis des siècles : l’archéologue en découvrant un site dans une fouille en devient “l’inventeur”, et devient celui qui va en faire le récit, ouvrir une nouvelle odyssée.” Entretenir la mémoire et lutter contre l’oubli sont au cœur de l’œuvre de l’artiste.
REPÈRES BIOGRAPHIQUES
Fils d’artiste, Pascal Convert naît en 1957 à Mont-de-Marsan. Il est à la fois plasticien, écrivain et réalisateur, et qualifie son travail d’archéologie de l’architecture, de l’enfance, de l’histoire, du corps et des temps. Il recourt à des matériaux tels que le verre et la cire, qui évoquent le passage du temps, la lumière et les effets persistants du passé. En 1987, alors qu’il habite Bordeaux, il recouvre les panneaux de bois d’une pièce de son appartement avec des plaques de verre, initiant la série Appartement de l’artiste. En 1989 et 1990, il réside à la Villa Médicis à Rome. L’année 1992 voit sa première exposition personnelle importante au CAPC de Bordeaux. En 1997, il est invité par le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman à participer à l’exposition L’Empreinte au Centre Pompidou, aux côtés de Giuseppe Penone, Man Ray, Alain Fleischer… Georges Didi-Huberman lui consacrera plusieurs ouvrages aux éditions de Minuit, et l’associera à de nombreuses expositions. En 2002, il inaugure son Monument à la mémoire des résistants et otages fusillés au Mont Valérien entre 1941 et 1944 (Mémorial de la France combattante, Suresnes). Face à la chapelle où étaient enfermés les condamnés avant d’être conduits sur le lieu de leur exécution, Pascal Convert érige une cloche en bronze de 2,70 x 2,18 m sur laquelle sont gravés les noms des disparus. Dans la continuité de ce travail, il réalise le documentaire Mont Valérien, aux noms des fusillés en 2003.
En 2007, son exposition Lamento présentée au Mudam (Luxembourg) présente des sculptures de cire inspirées de photos de presse emblématiques : La Pietà du Kosovo (1999-2000), d’après une photo de Georges Mérillon, La Madone de Bentalha (2001-2002), d’après une photo d’Hocine Zaourar, et La Mort de Mohamed Al Dura (2002-2003), d’après des captures d’écran de vidéo de Talal Abou Rahmed. Ces sculptures sont largement exposées aux Nations Unis, à Montréal, en Suisse et en Italie. La même année, il publie une biographie de Joseph Epstein, chef de file de la résistance communiste à Paris, fusillé au Mont Valérien en 1944.
En 2008, il termine un ensemble de vitraux pour l’Abbatiale de Saint Gildas des Bois (Loire-Atlantique). Il expose ensuite une monumentale sculpture de cristal, Le Temps scellé : Joseph Epstein et son fils, à l’occasion de la Force de l’Art au Grand Palais (Paris) en 2009. Elle fait aujourd’hui partie de la collection permanente du Musée national d’art moderne de Paris. Il réalise encore le documentaire Joseph Epstein : bon pour la légende. Après quatre ans de travail, il publie une nouvelle biographie Raymond Aubrac : résister, reconstruire, transmettre (Seuil, 2011), et consacre à ce personnage deux documentaires. Deux ans plus tard paraît le récit autobiographique La Constellation du Lion (Grasset). En 2014, il participe à la Biennale de Busan en Corée du Sud et à l’exposition collective La Guerre qui vient n’est pas la première : 1914-2014 au Musée d’art moderne et contemporain de Trente et Roverento en Italie.
En 2016, il participe à l’exposition transdisciplinaire Soulèvements au Jeu de Paume. L’année est surtout marquée par une invitation de l’ambassade de France en Afghanistan à commémorer le 15ème anniversaire de la destruction des Bouddhas de Bâmiyân par les talibans. Pascal Convert monte une mission en partenariat avec la société ICONEM, spécialisée dans l’archéologie des zones de conflit. Avec des drones, il scanne la totalité de la falaise de Bâmiyân, et laisse les images en libre accès à la communauté scientifique mondiale. Avec un appareil de haute précision il fait une “empreinte photographique” du lieu où les statues monumentales ont été sculptées il y a environ 1 600 ans.
En 2019, la Galerie Éric Dupont lui consacre une exposition personnelle, Trois arbres, un travail autour des écorces de bouleau du crématoire V d’Auschwitz-Birkenau, d’un cerisier atomisé d’Hiroshima et des arbres de vie en pierre des “khatchkars” arméniens.
En 2021, il présente une double exposition du Panoramique de la falaise de Bâmiyân au Musée Guimet et au Louvre Lens, et créée une œuvre pour le Dôme des Invalides dans le cadre de l’exposition Napoléon ? Encore. Au Domaine de Chaumont-sur-Loire, il conçoit dans les anciens appartements des invités une incroyable chambre d’enfant cristallisée, poursuivant une aventure entamée en 2020 dans la bibliothèque du Château et le Parc Historique.